L’histoire de la distillerie des Pères Chartreux date de plus de quatre siècles. Plus précisément, en 1605, le Duc François Hannibal d’Estrée confie aux moines un mystérieux manuscrit qui contiendrait la recette d’un élixir de « longue vie ».
Après de longues années de travail, en 1764, les moines réussissent enfin à percer le secret du manuscrit.
Durant ses 700 premières années d’existence, l’ordre des Chartreux a enduré de nombreuses vicissitudes, dont la Révolution française qui a entrainé leur expulsion du Royaume de France.
En 1840, ils parviennent enfin à créer deux nouveaux élixirs de table : la Chartreuse Verte, surnommée la « liqueur de santé » et réalisée avec la recette de base de l’élixir végétal, et la Chartreuse Jaune, également appelée la « Reine des Liqueurs », une nouvelle recette plus douce que la verte mais fabriquée avec les mêmes plantes.
La création de ces breuvages marque la transition entre un élixir médicinal et une liqueur de table. Ils rencontrent un succès important et elles sont très vite commercialisées.
Pour éviter la contrefaçon, en 1852, le Père Garnier, procureur et responsable des liqueurs, décide de déposer la marque.
Suite à la croissance des ventes, en 1864, les moines installent une nouvelle distillerie ainsi qu’un espace de stockage à Fourvoirie, non loin du monastère. Ils y resteront jusqu’en 1903, avant de se faire expulser par des soldats et accusés de former une « congrégation non autorisée ».
Ayant résisté à l’expulsion une première fois, les Pères Chartreux avaient prévu le coup et avaient trouvé un point de chute en Espagne, à Tarragone.
À la suite de l’expulsion des chartreux, le liquoriste Cusenier récupère la marque Chartreuse ainsi que les installations en France.
Une partie de la communauté se rend au monastère de Farneta en Toscane, tandis que l’autre se réfugie dans la ville de Tarragone, en Espagne. Tarragone devient alors le lieu de production de liqueurs de Chartreuse en 1904.
La distribution de Chartreuse en France n’a pas repris jusqu’en 1920. N’ayant pas accès à la distillerie de Fourvoirie, puisqu’elle ne leurs appartient plus, les Pères Chartreux posent leurs valises à Marseille jusqu'en 1932, quand ils sont revenus au massif de la Chartreuse.
Trois ans après leur retour à Fourvoirie, la distillerie est ravagée par un fort éboulement et les Pères Chartreux doivent trouver un nouveau lieu de production.
En 1936, le site de Voiron est choisi pour installer la nouvelle distillerie et, quelques années plus tard, les moines sont autorisés à regagner leur monastère.
De 1940 à 2017, les productions et la commercialisation des liqueurs en France et à l’étranger s’amplifient et la Chartreuse devient l’une des liqueurs la plus prisée au monde.
Plusieurs cuvées verront le jour à la fin du 20ème siècle et au début du 21ème siècle, telles que les fameuses V.E.P (Vieillissement Exceptionnellement Prolongé), 9ème Centenaire, M.O.F (Cuvée des Meilleurs Ouvriers de France) et les Liqueurs d’Elixir 1605.
Aujourd'hui, la Chartreuse est parmi les liqueurs de plantes les plus célèbres et appréciées au monde et il devient difficile de trouver certaines cuvées.
La recette des Pères Chartreux demeure toujours secrète, tout comme sa composition et son vieillissement.
En 2018, par souci de sécurité, une nouvelle distillerie est créée à Aiguenoire, dans la commune d’Entre-Deux-Guiers, près de Voiron. Une page se tourne pour les Chartreux, après 80 années de production à Voiron, mais le nouveau site est symbolique pour les Pères Chartreux car il a abrité leurs activités agricoles et piscicoles pendant près de 170 ans.
Les moines de la Chartreuse ont su garder et transmettre ce précieux secret jusqu'à nos jours, en surmontant les catastrophes naturelles, les expulsions, les contraintes réglementaires et en s’adaptant pour maintenir la production des liqueurs afin d’assurer la pérennité de l’Ordre.